Revista Nº49 "ANTROPOLOGÍA POLÍTICA"

 

 

Le multiculturalisme en Amérique latine : une exigence historique pour l’avènement de la modernité

COULIBALY Yacouba

Université FHB de Cocody

chigata20022@gmal.com

Yapoga Brou Elisabeth

Université FHB de Cocody

brouelisabeth62@yahoo.fr

 

 

Résumé

Cet article est une réflexion portant sur le patrimoine culturel de l’Amérique latine dont la richesse chromatique est une construction du fait colonial espagnol. Lorsque pour la première fois en 1492, Christophe Colomb, au nom de la couronne espagnole, foule les terres d’Amérique, la stratégie coloniale est axée sur le double pilier destruction/construction. Désarticuler dans un premier temps la culture endogène, héritage multiséculaire de peuples et civilisations trouvés sur place et dans un second temps leur assimilation aux paradigmes espagnols. Les noirs convoyés au forceps dans le sous-continent américain vont développer avec les autochtones une résistance. Tout cela contribuera finalement à définir l’Amérique latine comme une mosaïque de culture de divers horizons. Plutôt que de favoriser l’expression plurielle de cette richesse, l’Amérique latine s’est embourbée dans la glu de l’étouffement systématique d’une partie de ce qu’elle est. A l’heure de la construction de la modernité postcoloniale, le multiculturalisme s’impose comme le fil à même de relier les perles du collier culturel latino-américain.

 

Mots-clés : Patrimoine culturel-civilisations-modernité-multiculturalisme-postcoloniale.

 

 

El Multiculturalismo en América Latina: una exigencia histórica para el advenimiento de la modernidad

 

Resumen

Este artículo es una reflexión acerca del patrimonio cultural de América latina cuya riqueza cromática es una construcción del hecho colonial. Cuando por primera vez en 1492, Cristóbal Colón, en nombre de la corona española, pone el paso en las tierras de América, la estrategia colonial estriba en el doble pilar destrucción/construcción. Desarticular primero la cultura endógena, herencia multisecular de pueblos y civilizaciones encontrados allá y luego llevar a cabo su asimilación a los paradigmas españoles. Los negros llevados con fórceps en el subcontinente americano van a desplegar con los autóctonos una resistencia. Todo aquello contribuirá a definir América latina como una mosaica de cultura de horizontes diferentes. En lugar de favorecer la expresión plural de esta riqueza, América latina se atrancó en la liga de la sofocación sistemática de una parte de sí misma. A la hora de la construcción de la modernidad postcolonial, el multiculturalismo se impone como el hilo capaz de vincular las perlas del collar cultural latinoamericano.

 

Palabras claves: patrimonio cultural-civilizacion-modernidad-multiculturalismo-postcolonial.

 

Multiculturalism in Latin America: a historical requirement for the advent of modernity

 

This article is a reflection on the cultural heritage of Latin America whose chromatic richness is a construction of the Spanish colonial fact. When for the first time in 1492, Christopher Columbus, in the name of the Spanish crown, set foot on the lands of America, the colonial strategy was focused on the double pillar of destruction/construction. Firstly, disarticulate the endogenous culture, the centuries-old heritage of peoples and civilizations found there, and secondly their assimilation to Spanish paradigms. The blacks transported by forceps to the American subcontinent will develop resistance with the natives. All of this will ultimately help define Latin America as a mosaic of cultures from diverse backgrounds. Rather than encouraging the plural expression of this wealth, Latin America has become mired in the glue of the systematic stifling of part of what it is. At a time of construction of postcolonial modernity, multiculturalism stands out as the thread capable of connecting the pearls of the Latin American cultural necklace.

 

Keywords: Cultural heritage -civilizations-modernity-multiculturalism-postcolonial.

 

 

 

Introduction

 

Les concepts de multiculturalité, d’interculturalité, d’intraculturalité et d’identité ont polarisé les sciences sociales ces dernières années (M.A.Pretceille, 2010, J.E.Gonzales, 2019) . Rien de surprenant puisque nous sommes à l’ère de la mondialisation multisectorielle qui, il faut le dire, a instauré une forme de transcendance des frontières physique et immatérielle. L’entrée brusque de notre société dans le numérique et les récents progrès scientifiques ont largement contribué à cet état de fait. Mais il convient de noter que depuis le XVe siècle ou pour être plus précis, depuis le voyage outre Atlantique de Christophe Colomb, les jalons de ce phénomène de bouleversement historique, politique, économique, social et culturel avaient déjà été posés en Amérique latine. P. Chaunu (2014) parle « d’onde de choc » dans cette rencontre entre trois continents avec la naissance d’une identité à la fois unique, plurielle et complexe. En effet, l’arrivée au galop de cette Espagne conquérante dans l’espace latino-américain posa depuis lors la question du rapport à l’autre ou si l’on préfère la question de l’altérité. Guidés par l’esprit colonial, les colons espagnols vont asservir les peuples autochtones qu’ils venaient de rencontrer. Il en sera de même pour les noirs convoyés dans cette partie du monde pour remplacer dans l’urgence les indigènes décimés par les maladies et la rudesse des travaux qui leur étaient imposés.

Le massacre collectif de ces deux communautés est sans conteste l’une des taches noires dans l’Histoire de l’humanité. Cette atrocité était pour l’essentiel basée et justifiée par l’argumentaire de la supériorité d’une race par rapport à une autre. Dans la construction de l’Amérique latine postcoloniale, alors qu’on s’attendait à une remise en cause des préjugés raciaux et ses énormes ravages, il est à noter que jusque-là, la rupture n’a pas été consacrée avec cet héritage du passé. Comment alors entrer dans la modernité sans une véritable rupture d’épistémè ? N’est-il pas temps de procéder à une déconstruction des paradigmes jusque-là en vigueur ? En effet, Les noirs et les autochtones amérindiens continuent de vivre dans une forme de ségrégation culturelle.

Et pourtant, le tableau est là et imparable. L’Amérique latine ne peut échapper, du fait de son histoire, à son propre destin : celui d’une mosaïque culturelle. A la domination culturelle ibérique s’est opposée une résistance culturelle noire et amérindienne. Les interactions qui s’établissent entre ces identités culturelles nous poussent à interroger la multiculturalité en Amérique latine. Notons qu’indistinctement, on parle aussi de pluriculturalité ou encore de biodiversité culturelle telle que conceptualisée par L.C. Susin (2014, p.75) et il s’en explique :

Nous préférons ici la catégorie de biodiversité à celle de multiculturalisme […] parce que la biodiversité, notion issue de la biologie, nous renvoie immédiatement à la racine commune de la vie et à l’exigence de diversité pour une vie saine, ainsi qu’à la relation de la vie avec son contexte écologique, dans une multiplicité d’environnements.

 

Interroger le multiculturalisme en Amérique latine n’est pas une entreprise fortuite car au moment où le sous-continent exprime l’ardent désir de rentrer dans l’ère de la modernité par la consolidation des Etat-nations, les revendications identitaires explosent même s’il faut noter avec G. Boccara (2011, pp.192-193) que :

L’émergence et la politisation des identités culturelles amérindiennes ne débouchent pas nécessairement sur le rejet de l’Autre, la terreur ethnique ou la fragmentation des nations. En d’autres termes, le communautarisme ou le déchaînement de violences interethniques ne sont pas des conséquences inéluctables des revendications liées à l’autochtonie et des luttes pour la reconnaissance de la singularité d’une trajectoire historique marquée du sceau de la discrimination, de l’assujettissement et de l’exploitation


C’est dire que loin des sirènes de l’apocalypse, le multiculturalisme est une exigence historique pour l’Amérique latine.

Voilà qui situe de façon, on ne peut plus claire, l’objectif de cet article, celui de rendre compte du caractère pluriel du champ culturel latino-américain et de l’analyser comme une nécessité vitale qui ne saurait accepter un combat d’arrière-garde. A.D. Dago (2015, p.4) met en garde : « La décolonisation, action de libérer le présent du passé et le futur des scories du présent, peut devenir un mirage si elle ne sait pas tirer les leçons du passé pour aller vers une synthèse utile ». Il s’agit d’une réflexion permettant de sortir des archaïsmes du passé pour acter l’avènement d’un avenir radieux par le dialogue constructif entre toutes les composantes culturelles en présence. Nous faisons l’hypothèse que malgré les tentatives de dissolution des cultures noire et amérindienne, l’Amérique latine est une terre de multiples couleurs dans tous les sens du terme et que cette diversité de couleurs est de loin une richesse. Sous le prisme d’une démarche historique et anthropologique, nous allons faire une recension de la carte culturelle de l’Amérique latine, ensuite analyser la poussée des revendications identitaires et enfin présenter le multiculturalisme comme le tournant indépassable dans l’Amérique latine d’aujourd’hui. Mais avant, il convient de revenir sur les notions d’identité et de multiculturalisme.

 

I-Pour une réflexion théorique sur le multiculturalisme

         

Le multiculturalisme est une constance dans l’histoire de l’humanité car les communautés humaines ont toujours vécu les unes à côté des autres dans une hétérogénéité culturelle.  Mais l’usage moderne de ce terme situe son origine dans les années 1970 au Canada, alors traversé par le vif débat sur les populations autochtones appelées localement les premières nations. L’écho du multiculturalisme inspire et retentit un peu partout dans le monde et particulièrement en Amérique latine dans la décennie 80 pour gérer efficacement sa réalité culturelle. Dans son champ d’application, le concept de multiculturalisme connait plusieurs dénominations. La « pluriculturalité », la « biodiversité culturelle » ou la « multiculturalité » sont autant de terminologies utilisées pour dire la même chose.  

Le multiculturalisme charrie trois dimensions à savoir la reconnaissance de soi, de l’altérité et de l’existence de plusieurs sociétés. Concrètement, le multiculturalisme représente la pluralité et la coexistence de plusieurs cultures au sein d’une même société. Cette définition a des implications. Elle signifie d’abord que chaque communauté humaine se définit à partir d’un arsenal de systèmes (normes et valeurs) qui guide son interprétation de la réalité (J.Cesari,1999). D’où des modes de pensée et d’agir différents d’un peuple à un autre[1]. Ensuite, elle implique ce qui est diffèrent de moi, ce qui diffère de moi, ce qui est étranger à moi. Enfin, elle renvoie au rapport qui peut s’établir entre moi et l’autre, et à l’acceptation de cette différence complémentaire. 

Dans son acception politique, le multiculturalisme fait référence à des idéologies et des politiques diverses qui promeuvent le respect des particularismes identitaire et culturel des différentes communautés au sein d’une même société ou encore qui confèrent à certaines communautés des statuts spécifiques afin de les protéger contre toutes les formes de discrimination. Le multiculturalisme est souvent confondu avec l’intégration culturelle. Cette dernière suppose le délestage de certains traits culturels des minorités ethniques qui ne seraient pas compatibles avec la culture dominante et leur dissolution progressive dans celle-ci. Dans une société multiculturelle, il n’y a pas de hiérarchie entre les cultures car toutes se valent et se respectent.

Le multiculturalisme a alimenté les controverses dans le débat politique aussi bien en Amérique latine qu’ailleurs. Les propos de R. Torre (2019, p.38) à ce sujet sont sans ambages. Voilà ce qu’il dit :

D’un point de vue philosophique et idéo­logique, le multiculturalisme peut regrou­per les théories et les courants qui portent un jugement de valeur quant à la diversité culturelle d’une société, de sorte que leur discours peuvent soit l’encourager et la pro­mouvoir, soit la réprouver et la dénigrer.

 

Certains ont vu dans le multiculturalisme une sorte de négation de la forme républicaine des États, avec en toile fond, l’exaltation de l’enfermement communautaire et du repli identitaire dans une société en mouvement où les particularismes de toutes sortes devaient se dissoudre dans le grand moule de l’identité nationale.

Les conflits d’ordre culturel pourraient à terme exploser dans l’euphorie du multiculturalisme s’il venait à être un pilier de gouvernance.  Dans le même ordre d’idée, le multiculturalisme est appréhendé comme une fuite en avant dans la mesure où les questions qu’il était censé régler, notamment les questions d’égalité, de distribution de la richesse, de représentation politique, d’éducation de certaines communautés minoritaires, étaient en fait des problématiques sociales et non des problématiques culturelles.

        Pour d’autres, le multiculturalisme, en investissant le champ politique, offre l’opportunité de comprendre l’altérité et la prendre en compte dans la gestion des États. L’enjeu étant, bien entendu, « d'échapper à la double fatalité d'un conformisme unificateur et sans égard pour les richesses culturelles d’une part, et d'un respect inhibé et paralysant devant les particularismes d'autre part (O. Meier, 2004) ». Pour cette tendance, le multiculturalisme, qui met un point d’honneur sur la différenciation et l’hétérogénéité des cultures, est une richesse car il ne laisse aucune d’entre elles à la périphérie ni ne les condamne à disparaitre. Voici un extrait de la déclaration de la politique communautaire au parlement de la communauté française.   

Dans notre société en pleine mutation, il est primordial de reconnaitre la diversité culturelle, de libérer l’expression des différences, de soutenir l’expression culturelle des populations d’origine étrangère, de valoriser les sensibilités régionales, de prendre en compte les cultures populaires. Une société qui reconnait de façon positive la diversité renforce par ce fait même la rencontre, l’interculturalité et la lutte contre l’exclusion culturelle (Déclaration de la politique communautaire, 1999, p.23).

 

Le multiculturalisme est vu ainsi comme un préalable qui permet aux peuples d’exprimer les meilleures potentialités en eux et d’apporter leur contribution à la civilisation universelle. Mais comme le préconisaient Taylor et Cox, l’alternative consiste à faire en sorte que « les avantages potentiels de la diversité soient maximisés alors que ses inconvénients potentiels se minimisent (Taylor et Cox, 1994) » car d’une manière ou d’une autre l’Amérique latine est une mosaïque de culture.

 

II-L ’hétérogénéité socioculturelle de l’Amérique latine

        La carte culturelle de l’Amérique latine est incontestablement multicolore. A la racine, elle est le construit diachronique de populations indigènes venues du détroit de Béring pour bâtir des empires majestueux dont le rayonnement est attesté par tous les anthropologues. Pour L.C. Susin (2014, p.77) « La connaissance que nous avons des trois grandes civilisations que sont les empires maya, aztèque et inca nous permet non seulement d’admirer le niveau de raffinement culturel, politique, religieux et moral des cultures précolombiennes ». Les populations autochtones possédaient et possèdent toujours leurs noms, leurs langues et leurs spiritualités qui ensemble donnent vie au corps social qu’elles ont construit. Tout avait été développé dans cet environnement selon le paradigme des peuples qui y habitaient. La vision du monde à laquelle elles souscrivaient leur permit d’entretenir avec la nature et leurs semblables un rapport sacré.

        Vers la fin du XVe siècle, l’entrée brusque, par effraction, du colonialisme espagnol et portugais va profondément changer cette donnée monoculturelle. Trois siècles et demi de présence occidentale laissent forcément un lourd héritage politique, culturel et linguistique. La reconfiguration et l’aménagement de l’espace latino-américain en différents États adossés sur des fondements juridiques nouveaux, la langue espagnole dont le sous-continent concentre l’écrasante majorité des locuteurs, le catholicisme ou la chrétienté au sens le plus large sont aujourd’hui les attributs de l’Amérique latine.  

         La machine coloniale mortifère a décimé les populations autochtones à travers la mita et l’encomienda sans toutefois parvenir à les faire disparaitre. D’environ 50 millions de personnes au début de la conquête, elles se retrouvent à 4.5 millions d’âmes au XVIIe siècle.  Aujourd’hui, alors qu’on ne s’attendait pas du tout à elles, elles sont là, bien présentes dans cette Amérique reconfigurée. On les retrouve de façon éparse sur tout le continent mais ils sont en grand nombre dans des pays comme la Bolivie, le Mexique, le Pérou, l’Equateur et le Guatemala. Les principales ethnies sont entre autres les mapuches, les Guaranis, les Aymaras, les Quechuas, les Chibchas, les Nahuas, les Quichés.  

        On notera aussi la présence des noirs en Amérique latine. En 2003, on dénombrait entre 120 millions et 150 millions d’afro-descendants sur 900 millions d’habitants pour tout le continent américain (Rapport BID et PNUD, 2003). Le débat théologique de Valladolid de 1550 avait conclu à l’allègement de la souffrance et des supplices infligées aux Amérindiens. Pour les besoins de l’entreprise coloniale et de son exigence en termes de main d’œuvre pour exploiter les immenses richesses du Nouveau monde, il fallait trouver de la ressource humaine. On la trouva donc en Afrique. Les Noirs se retrouvent aujourd’hui partout sur la côte atlantique du Mexique, dans les Caraïbes, les Antilles, en Amérique centrale, en Colombie, Au Venezuela, au Paraguay, au Brésil, au Pérou, en Argentine, en Bolivie (M. Casanova, 1959, p.305).

        On a beaucoup parlé du réveil indien ou encore des revendications identitaires des amérindiens, mais la littérature sur celles des noires n’est pas abondante. Et pourtant, dans le sillage du multiculturalisme, les noirs ont investi le champ politique tout en cherchant des mécanismes pour mettre à bas l’idéologie hispano-centrisme qui nait leur existence. La proposition politique qu’ils ont beaucoup défendue était « l’autonomie gouvernementale » c’est-à-dire la gestion par des représentants noirs des régions où ils sont majoritaires. Diego Cordoba et Juan de Dios Mosquera du mouvement des Cimarrons en Colombie ont été très actifs dans ce combat contre toutes les formes de discrimination (J.A. Yao, 2020, p.56).  

La traite Négrière transatlantique constitue la plus grande déportation de l’histoire. L’une de ses caractéristiques reste sa légitimation intellectuelle de l’idéologie raciale et sa légalisation par le biais du Code Noir dont les principes, pour le moins abjects, achevaient de nier aux noirs la dignité d’êtres humains. C’est cette idéologie de suprématie raciale qui continue, hélas, de justifier toutes les formes d’exclusion des Noirs et des Amérindiens dans le sous-continent. Nous y reviendrons. En plus des populations d’ascendance espagnole, d’amérindiens et de noirs, il y a aussi la grande communauté des métis composée d’indiens et d’espagnols, d’espagnols et noirs, de noirs et d’indiens…en fait, il y a plusieurs combinaisons possibles pour identifier le métis. Nicolas Léon (1924) a dénombré 52 appellations possibles (P. Zagefka, 2006, p.17).  

         Il faut aussi revenir et considérer l’un des éléments intangibles importants notamment les religions d’Amérique latine. Outre le catholicisme apporté et imposé par le colonisateur, beaucoup d’amérindiens restent attachés à leurs pratiques traditionnelles. La conquête coloniale avec son cortège d’acculturation forcenée par le biais de l’évangélisation des âmes n’a pas supprimé totalement les religions amérindiennes (c’est le cas des Lacandons dans le Chiapas mexicain qui sont restés attachés au paganisme). Mieux, les amérindiens ayant accepté de force ou de gré le catholicisme ont pris soin de le modifier et l’adapter à leur vison. C’est pourquoi, il est plus juste de parler de « syncrétisme […] désormais reconnu comme un processus contre-acculturatif, impliquant manipulation de mythes, emprunt de rites, association de symboles, inversion sémantique parfois et réinterprétation du message christique (F.A.J. Rosemond,2019, p.8) ».

   Les noirs envoyés dans cette partie du monde comme esclaves y ont apporté une partie de leur culture, de leur religion qui se laissent voir dans le Vaudou haïtien, brésilien et cubain. Cette résistance culturelle des noirs est assez spectaculaire dans une telle société malgré l’atrocité du système esclavagiste. Mamadou badiane peut donc écrire :

Malgré l’odieux système esclavagiste qui évidemment tenta par différents moyens de dépouiller les esclaves africains de toute valeur humaine et de leur enlever toute attache culturelle avec leur continent d’origine, il urge de noter que certains traits culturels ont pu résister et se maintenir de très belle manière. Parmi ces survivances culturelles, on peut souligner les croyances religieuses africaines que je définis comme semences divines. […] L’instauration du système esclavagiste dans les colonies espagnoles a été accompagnée par le développement des pratiques religieuses africaines qui furent sans doute réprimées par l’église catholique qui ne les considérait pas comme une religion, mais comme une simple représentation diabolique (M. Badiane, 2011, p. 261-262).

 

Cette Inventivité était leur seule alternative pour échapper à l’extinction et se pérenniser culturellement. Il est indéniable que dans un processus syncrétiste, la pureté originelle se perd mais, si nous admettons que la culture est dynamique, elle se revigore alors par cette alchimie d’autres éléments nouveaux qui lui donnent un second souffle. Dans un environnement composite, si le dialogue des cultures est étouffé et qu’une seule vision du monde exerce sa suprématie, les insurrections identitaires sont aux embuscades.

 

III-Les revendications identitaires

Il fallait s’y attendre. Selon A.G. Muller (2012, p.16) l’exclusivité culturelle, « historiquement construite sur la mise à l’écart des référents ethnico-culturels non hispaniques ou non latin » ne pouvait perdurer sans grogne dans une Amérique latine si diversifiée et si colorée. Les dominés, les infériorisés, les exclus ou encore les gens « d’en bas » vont répondre au pogrom culturel par de vives revendications identitaires. Cette phase historique a été perçue par certains analystes comme le « réveil des amérindiens », le « retour des peuples indigènes en Amérique latine », ou mieux de « renaissance des Indiens d’Amérique»[2]. Revenons sur cette odyssée dont les améliorations obtenues sont si souvent plus significatives sur le plan normatif que sur celui des réalisations pratiques.

Entre 1810 et 1830, l’Amérique latine s’était constituée en différents États indépendants dont le défi majeur était celui de la construction/ consolidation de l’État-nation. Les élites politiques créoles, dans leur désir de construire une identité nationale et se démarquer de l’ancienne puissance espagnole, vont trouver dans le passé glorieux indien le ressort tactique pour y parvenir. C’est là que, dès les années 1930-1940, va naitre l’indigénisme en tant que politique d’assimilation et d’intégration de l’Indien dans la nation. Le procédé était celui du métissage car à l’état pur, l’indien était considéré comme sauvage et indigne de la civilisation.

Il faut dire que l’indigénisme était traversé par des contradictions. D’un côté, il encensait un âge d’or perdu auquel il se referait et de l’autre il condamnait à la disparition les acteurs même de cette civilisation antique. Mieux, les politiques indigénistes suintaient la condescendance, du paternalisme. L’indien devait céder à l’autoflagellation et à l’auto condamnation en s’inoculant soi-même le venin de la honte, la honte de sa culture et rentrer dans le moule de l’homogénéisation culturelle. Pire encore, l’indigénisme n’a jamais su régler les disparités économique et sociale dont souffraient les indiens. Dans tous les pays de l’Amérique latine, est demeuré et demeure jusqu’à ce jour ce qui est appelé « le problème indien » c’est-à-dire la question agraire ou l’inégale répartition des terres arables.   

L’indigénisme opérait dans le registre du national-populisme, cette idéologie d’inspiration nationaliste dont l’objectif était de mobiliser et de convaincre les noirs et les amérindiens à s’identifier au projet politique de la classe dominante pour finalement les acculturer. Mais comme l’ont signifié F. Hylton et Thomson (2007, p.13) le national-populisme latino-américain était fragile et « Sous cette surface vivait la vaste et courageuse communauté humaine des Indignes, ces mondes que le réalisateur Jorge Sanjinés appela La Nation clandestine ». Ces mondes émergeront pour briser la surface de la domination qui se perpétuait sous la bannière de l’indigénisme pour allumer la flamme de l’indianité.

Entre 1980 et 1990, l’Amérique latine amorce sa période de transition politique avec la construction d’une démocratie, certes balbutiante, mais en marche. Les ouvertures politiques opérées rendent faciles les demandes citoyennes et les organisations indigènes accentuent les protestations. C’est le cas des premiers soubresauts en Équateur sous la houlette de la Confédération des nationalités indigènes d’Equateur (CONAIE) et la rébellion Zapatiste en 1994 dans le Chiapas au Mexique. Ces révoltes portent une double dimension socio-culturelle et politique. Leurs aspirations portent sur le respect des droits des indigènes, l’équité dans la redistribution des richesses nationales, ce que N. Fraser et al (2003) qualifient d’agenda de la « reconnaissance » et de la « redistribution ».

Il convient de noter qu’au cours de cette même période, il eut une intense mutation juridico-politique notamment constitutionnelle. Sous l’impulsion de la convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes, plusieurs États latino-américains se sont redéfinis comme des nations multiethniques et/ou multiculturelles[3]. Ce réajustement constitutionnel a conféré « aux minorités ethniques, dans les États où elles sont présentes, un statut qui garantit à leurs membres une citoyenneté spécifique, à travers la reconnaissance du multiculturalisme (G.Coufignal, 2013, p.70) ».

Cependant, les dispositions constitutionnelles sont restées cloisonnées dans le cadre formel et n’ont pas apporté dans les faits concrets les changements attendus. Bien au contraire, avec l’avènement du « consensus de Washington »[4], la multiculturalité a été sacrifiée sur l’autel des intérêts économiques. Le rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits indigènes, Stavenhagen parle d’un « manquement aux obligations, un écart d’exécution (P.J.Baptiste, 2007, p.15) » devant l’effroyable distance entre ce qui était théoriquement dit et prévu et le manque de volonté des pouvoirs publics pour impulser l’idéal de changement.

Face à l’impasse, les indigènes et autres minorités se sont retrouvés dans une situation où il fallait réinventer une protonation capable d’inverser l’ordre des choses. Il s’agissait alors d’investir le champ politique et d’en secouer les institutions pour les sortir de la léthargie. Dans presque tous les pays d’Amérique latine, il y a eu une floraison de partis politiques ethniques[5] même s’ils n’ont pas rencontré le même succès partout (D.L.V Cotte, 2005, p.03). S.M.I. Puig (2010, p.153) affirme que les meilleurs succès électoraux ont été enregistrés dans des pays comme la Bolivie, l’Equateur, le Guatemala, le Mexique, le Nicaragua et le Pérou. Mais celui de la Bolivie est sans commune mesure avec les autres en ce sens qu’en 2005, pour la première fois, Evo Morales le dirigeant indigène du Mouvement vers le socialisme (MAS) est élu président de la république de la Bolivie.

A. Biglia (2017, p.76) analysant les partis politiques ethniques dans le sous –continent pose la problématique de leur survie à l’avenir. D’abord sur la question du bilan de leurs actions dans le champ politique, les divisions internes ont étés très importantes et de sévères critiques ont été formulées à l’encontre de la gouvernance trop progressiste d’Evo Morales. Quant au parti Pachakutik en Équateur, sa difficulté à s’imposer sur le plan national l’oblige à se recentrer sur les élections locales et prendre le contrôle des zones à forte dominance indigène. Ensuite, dans un contexte de multiculculturalité, les partis politiques ethniques peuvent-ils toujours continuer à s’identifier à l’ethnie dans une rigidité sans concession, sans ouverture ?  C’est là tout le défi qui se profile à l’horizon. En tout état de cause, l’Amérique latine dans son ensemble doit se réinventer pour laisser féconder en elle ce qu’il y a de plus beau, sa biodiversité culturelle.

 

IV- De l’exclusivité à l’inclusivité culturelle : imaginer la grande communauté culturelle pan-Amérique latine.

L’Amérique latine ne peut entrer dans l’ère de la modernité sans avoir évacué les écueils du passé qui l’ont plombé jusque-là. Nul n’ignore l’inertie de l’homme, le poids des habitudes, la peur de l’inconnu et du changement. Or aucune société ne peut vivre de façon statique. Il faut un minimum d’électrochoc pour la mettre en mouvement. Le sous-continent américain est appelé à s’inscrire dans la dynamique non pas de répétition mais de création. La force d’une société, d’une civilisation réside dans sa capacité de survie matérielle et immatérielle, dans ses exploits d’organisation en résolvant d’une manière créative les problèmes, même les plus inattendus, qui se posent à elle.

Longtemps adepte de l’homogénéisation culturelle, l’Amérique latine doit passer à la promotion de l’hétérogénéité culturelle ou si l’on préfère de la différenciation culturelle. Cette dernière s’inscrit dans le cadre de la reconnaissance des minorités culturelles, laquelle reconnaissance ouvre ainsi la voie à l’expression des potentialités enfouies dans chaque peuple. La diversité culturelle est source de stabilité sociale, le monde est beau si sa richesse chromatique est mise à profit. Le monde latino-américain est semblable à un générateur dont le bon fonctionnement dépend de la bonne communication des électrons entre ses polarités positive et négative. Dans le cas d’espèce, il s’agit de mettre en œuvre des pratiques politiques systémiques pour gérer la société de sorte que les avantages potentiels de la diversité soient maximisés tout en minimisant ses potentiels inconvénients potentiels.

Chaque société poursuit son développement socio-économique et politique selon sa vision du monde. Celle-ci étant selon Lucien Goldman comme l’idéal auquel aspire profondément un peuple. Le capitalisme monopolistique, émanation de la vision du monde des sociétés occidentales, s’essouffle et montre de jour en jour ses limites. Ses ravages écologiques, ses inégalités économiques abyssales commandent de les tempérer avec les concepts de Pacha Mama amérindien, de l’écologie sacrée des noirs ou encore avec l’esprit d’équité au cœur de l’économie sociale et solidaire. L’enjeu ici est d’éviter de tomber dans le piège du conformisme occidental et ne pas tirer profit des offres de survie des peuples autochtone et noir. En fait, le monde est un creuset de savoir-faire et de savoir-être œcuméniques, chacun ayant son importance et son rôle à jouer pour le progrès de l’humanité.

L’Amérique latine monoculturelle est le fruit d’un construit historique et idéologique. En d’autres termes, c’est au travers d’une idéologie d’assimilation culturelle que les structures mentales, les modes de vie et de pensée ont été altérés de façon diachronique. Les communautés amérindienne et noire ont tellement été abâtardies dans leur socle sociologique que certains en sont arrivés à s’auto flageller et à se considérer indignes de modernité. C’est pourquoi, il nous parait important de convoquer ici les théories de la décolonialité pour déconstruire les lectures empreintes de préjugés, de mépris et de condescendance qui ont été faites de leurs cultures. D’ailleurs, au nom de quoi le monde occidental s’octroie-t-il le droit de représenter les autres mondes à sa guise et selon ses principes et ses valeurs ? L’inclusivité culturelle à laquelle aspire le sous-continent américain sera un leurre aussi longtemps que les schèmes resteront marqués par ces lectures déformées.

La décolonialité est un postulat du groupe Modernité/colonialité dont les principaux animateurs sont l’anthropologue Arturo Escobar, le critique littéraire Javier Sanjines, le philosophe Enrique Dussel, le sociologue Anibal Quijano et le sémiologue Walter Mignolo. La décolonialité est une critique de la pensée coloniale très prisée dans le monde latino-américain. Elle est une réaction à toute forme d’universalisme républicain sous lequel se cache en réalité l’eurocentrisme, c’est-à-dire la persistance de la domination des formes de pensée coloniales. Comme le souligne W Mignolo (2010, p.125) :

C’est en cela que résident les pensées décoloniales, nées comme des possibilités transformatrices et émancipatrices, des alternatives aux processus de la modernité coloniale et à leurs séquelles pour la construction de dialogues sociaux et interculturels, pour échanger des expériences et des significations, comme fondement pour des rationalités/autres.

 

La décolonialité s’articule autour de quatre axes de pensée principaux : la décolonialité du pouvoir, la décolonialité du savoir, la décolonialité de l’être et la décolonialité du genre. La décolonialité du pouvoir vise à contrebalancer les logiques de domination, le manichéisme racialisé qui institue des sujets qui dominent (le blanc) et des sujets à dominer (le non blanc). Pour affirmer la légitimité de sa domination, le modèle politique et économique occidental dont le capitalisme demeure à ce jour la manifestation la plus visible s’impose à l’échelle du monde. La décolonialité du savoir est une réponse à la domination épistémologique occidentale dans la production et la circulation des savoirs, à l’invisibilisation et à la négation des formes de connaissances d’autres mondes jugées subalternes.

La décolonialité de l’être s’oppose à la déshumanisation de l’être, à la perversion de son âme, de son essence, à son aliénation culturelle.  Pour suivre A.Mucchielli (1986, p.110) cité par A. Samaké, « il y a aliénation de l’identité tout d’abord si une identité constituée existe par elle-même, ensuite si un système extérieur intervient sur elle pour tenter de la modifier » créant ainsi une distance entre le moi et les signes culturels qui le déterminent. Marc Maesschalk peut donc dire qu’un être aliéné « est un dépossédé de son idéal de soi ».  La décolonialité du genre propose de poser un nouveau regard sur les inégalités du genre, l’exclusion des femmes du pouvoir et la négation des femmes racisées. Maria Lugones insiste pour dire que la domination masculine a été importée et imposée par le colonialisme et que finalement cela a été intériorisé et incorporé dans les mœurs des sociétés colonisées. La décolonialité est, somme toute, une contribution majeure au pluriversalisme dans le sens noble du terme par le dépassement des dogmes surannés qui surabondent dans la pensée coloniale.

Le multiculturalisme ne saurait cependant évincer les réalités économiques qui restent de loin abyssales entre les différentes couches sociales de l’Amérique latine. Le complexe d’infériorité culturelle qui a pris place dans les sociétés amérindienne et noire est consécutif à leur piétinement économique. La survie et le rayonnement culturels des noirs et amérindiens sont inextricablement liés à la réponse qui sera donnée à la question économique. C’est pourquoi :

Dès leurs débuts, les luttes indiennes modernes (1960 aux années 1980), s’inscrivant dans le cadre des luttes paysannes, et plus généralement du « mouvement populaire », portent des revendications principalement de nature économique et sociale. Elles s’articulent autour des questions du développement et de l’accès à la terre, au crédit, au marché, aux infrastructures et aux services (éducation, santé, transports, eau potable, électricité …) Les enjeux centraux sont la réforme agraire, les conditions de production et de commercialisation, la modernisation, l’intégration à la société nationale et les conditions de vie (P.J.-Baptiste, 2017, p.31).

 

Il est clair que l’essor économique d’une collectivité humaine entraine une inventivité culturelle et une affirmation de celle-ci. Débarrassée des scories du complexe d’infériorité, des besoins existentiels élémentaires, la collectivité humaine peut ainsi s’adonner au raffinement de sa culture. Celle-ci n’est plus vue avec condescendance mais avec respect et digne de reproduction. Le culte des morts dans les sociétés japonaises ne bénéficie pas du même regard que le culte des morts dans les sociétés africaines parce que justement l’essor économique du japon confère à sa culture une immunité contre le mépris.

 

Conclusion

Les sociétés latino-américaines sont en ébullition. Les nombreux problèmes économique, politique social et culturel qui les assaillent sont tellement enracinés que toute tentative de construction de la modernité s’apparente au dur labeur de Sisyphe. Entre un passé douloureux, de mépris, de déni, d’assujettissement multiforme et un avenir inconnu, l’Amérique latine a du mal à se déterminer. Et pourtant, il est indéniable qu’il faut opérer la transition entre l’ancien ordre et une nouvelle modernité. Cette nouvelle modernité doit être une construction d’ensemble de toutes les composantes sociologiques de l’Amérique latine. A cet égard, le multiculturalisme, en tant qu’expression plurielle de toutes les identités culturelles dans une société, se présente comme digne d’intérêt. Seul le multiculturalisme peut mettre fin au colonialisme interne qui continue de régir le fonctionnement des rapports entre les peuples du sous-continent. Mais il ne faut pas le restreindre à sa seule dimension culturelle, il faut y inclure l’aspect politique, économique et social.

Si pendant longtemps, le paradigme occidental a imposé son hégémonie sur tous les aspects de la vie en Amérique latine, il importe de noter que le multiculturalisme n’est pas le remplacement de cette hégémonie par une autre mais plutôt un dépassement de l’occidentalo-centrisme avec la prise en compte de d’autres cosmovisions du monde. Dans cette perspective, la théorie de la décolonialité est d’un apport décisif dans la déconstruction/(re)construction des schèmes de pensées fortement imprégnés d’un passé qui refuse d’être révolu.

 

Références bibliographiques

 

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[1] L’extractivisme dans la logique capitaliste est une nécessité pour les besoins du développement alors qu’il est perçu par les peuples autochtones comme une catastrophe majeure qui rompt l’équilibre entre l’homme et la nature parce qu’ils intègrent dans leur cosmogonie l’écologie sacrée qui exige de ne pas déséquilibrer l’écosystème en détruisant la nature.

[2]Toutes ces expressions qui ont été usitées à profusion dans la littérature latino-américaine depuis 1992 marquant la célébration du cinquième centenaire de « la découverte » de l’Amérique laissent entendre que les amérindiens étaient dans une sorte de passivité voire de sommeil alors qu’ils ont été actifs en tout temps, de différentes manières certes, pour préserver l’essence de leur culture de la liquidation complète.  

[3] Au Pérou, la Constitution de 1993 renforce ces droits. Elle précise que « l’Etat reconnait et protège la pluralité ethnique et culturelle de la Nation » (art. 2). La Constitution bolivarienne de 1994 reconnait la Bolivie comme une nation multiethnique et pluriculturelle (art.1). La Constitution de 1998 définissait l’Etat équatorien comme étant pluriculturel et multiethnique (art. 1)

[4] Le Consensus de Washington est une série de mesures appliquées aux économies en crise. Elles étaient censées refaire la santé économique des Etats en difficulté mais en réalité elles ont déstructuré les sociétés et renforcé les inégalités entre les citoyens tout en renforçant l’économie extractiviste qui détruit le cadre de vie, l’une des principales revendications des autochtones d’Amérique latine.

[5] Quelques partis politiques ethniques du continent : le Mouvement vers le socialisme (MAS), le mouvement Indigène Pachakuti en Bolivie et en Equateur, Le Wallmapuwen créé en 2005 au Chili. D’autres partis politiques avaient été créés en Bolivie bien avant mais ils ont été dissouts. C’est le cas du MITKA (Movimiento Indio

Tupaj Katari), fondé en 1978, et le MRTK (Movimiento Revolucionario Tupaj Katari).